Le film en un plan

Après avoir volé de l’argent à sa mère, Ah Ching s’enfuie pour Kaohsiung. Pour ce plan Hou Hsiao-hsien joue avec les perspectives. On voit en premier plan l’intérieur de la maison familiale, avec au milieu une porte ouvrant sur une terrasse. En second plan son père est là sur la terrasse, dans sa chaise, de dos complètement paralysé. Un peu plus loin le portail de la maison et le paysage côtier de la petite île taïwanais‎e. Ah Ching sort ainsi de la maison par cette porte et comme dans un moment d'hésitation ou comme pour dire au revoir à son père marque un temps d'arrêt devant lui. Finalement ne faire qu'accélérer son pas jusqu’au portail, comme s’il voulait échapper à tout ça, sa silhouette s’éloignant dans le paysage. Le plan suivant n’en sera que plus fort, lorsque l’on devine son père faire un mouvement de tête face à la caméra (Voir début de l'extrait n°3).

Les garçons de Fengkuei

Le film en une séquence

La sœur d’Ah Ching, celle qui l’a aidé à s’installer en ville, lui a donné un peu d’argent pour qu’il aille s’amuser avec ses amis dans le quartier chaud de Kaohsiung. Ils retrouvent ainsi l’homme au scooter qui les avait déjà abordé le premier jour de leur arrivée en ville sentant sûrement les nouveaux venus. Celui-ci leur promet à nouveau des films venus de l’étranger, il leur promet un grand écran, et une image en couleur. Suspicieux mais vite convaincus par les arguments du rabatteur, les 3 amis le suivent jusqu’au bas d’un immeuble en construction. Rien ne laisse présager une salle de cinéma, mais le rabatteur assure que c’est normal, la projection est clandestine. Les jeunes gens se retrouvent donc au 11e étage d’un immeuble totalement vide, et là c’est l’évidence, ils se sont fait avoir. Ne reste devant eux qu’une grande ouverture donnant sur la ville. Le voici le fameux grand écran en couleur devant lequel leurs silhouettes resteront contemplatives.
A noter qu’un hommage à ce dernier plan serait fait dans le film de Jia Zhangke « Still life », le réalisateur ayant déjà admis que ce film était l’une de ces références.

 

Le film en une idée

Le film est fortement inspiré par l'adolescence de Hou Hsiao-hsien, mais celui-ci a voulu ajouter à son récit une période supplémentaire. Ah Ching dit se souvenir parfaitement de tous les moments passés avec son père alors qu’il était très jeune. Des flashbacks presque montrés sous forme de rêves parsèment le film et évoquent son enfance. La photographie y est particulièrement travaillée et une musique classique renforcent l’aspect onirique de ceux-ci. Ils interviennent pour remettre en perspective les sentiments de Ah Ching ou pour simplement éclaircir une situation actuelle. Par exemple on ne comprendra le sens du premier flashback que lorsque la condition du père de Ah Ching sera connue.

Le film en un personnage

Ah Ching, évocation d’un Hou Hsiao Hsien adolescent dans le film. Fait intéressant, le cinéma est assez présent dans le récit. On peut donc percevoir ce qu’aurait pu être les premiers contacts du réalisateur avec le 7e art. La bande de jeunes va tout d’abord tenter de rentrer sans payer dans un cinéma, puis lors de leur arrivée à Kaohsiung, leur arrêt de bus mentionne le nom d’un cinéma qu’ils ne trouveront jamais, et bien sur la fameuse scène du cinéma fantôme (voir scène). Nous allons suivre ainsi tout au long du film le personnage de Ah Ching et son évolution au fil de ses expériences. Lorsqu’il se rebelle et tente d'échapper à la police et à sa ville natale. Lorsqu’il tombe amoureux de sa voisine secrètement. Lorsqu’on le découvre studieux en train d’apprendre une langue. Lorsque finalement sa famille lui manque. Toutes ces étapes sont perceptibles par le spectateur et font de Ah Ching un personnage dont les sentiments sont habilement montrés à l’écran.

Ah Ching interprété par Doze Niu
Ah Ching interprété par Doze Niu

Encore quelque chose…

« Les garçons de Fengkuei » est le premier film en partie autobiographique du réalisateur. Son premier film personnel. Le film a remporté la Montgolfière d'or au Festival des 3 Continents à Nantes. Il est admis que ce film a eu une grosse influence sur la 6e génération de réalisateurs chinois dont notamment Jia Zhangke. 

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