Le film en une idée
L'histoire commence dans un tout petit village du Hebei (河北), au bord d'un lac qui apporte à Madame Xiang, une excellente eau pour réaliser son huile de sésame. Nous sommes à la fin des années 80, les méthodes de fabrication sont encore traditionnelles, un jeune employé et son fils simple d'esprit l'aident à la tâche. Un jour, une femme d'affaires japonaise recommandée par un ami de la ville semble intéressée par son huile. C'est cette incursion étrangère, comme synonyme de l'ouverture économique de la Chine à cette période, qui va bouleverser la vie de Madame Xiang. Ce contact avec l'étranger et donc la modernité va avoir sur Madame Xiang un effet de miroir. Alors que la japonaise lui offre plusieurs cadeaux après leur contrat signé, Madame Xiang sous le coup de l'émotion confie à cette femme qu'elle a été vendue à la famille de son mari lorsqu'elle était encore enfant, une pratique nommée Tongyangxi (童养媳). Sans savoir si la japonaise a bien saisi l'importance de cette révélation, celle-ci doit partir et éventuellement rejoindre son amant comme lui explique l'interprète qui s'était absentée. Madame Xiang sort comme sonnée par cette soirée.
Le film adapté d'un roman de Zhou Daxin (周大新), porte un point de vue intéressant sur le poids des traditions en Chine à cette époque et comment l'aspect économique a pu impacter le rapport des gens envers celles-ci. Alors que la Chine commence son ouverture économique, le film dépeint un village où même si Madame Xiang domine largement les affaires, elle n'en reste pas moins prisonnière d'un système très patriarcal. Ce système semble tellement fort que Madame Xiang ne peut s'empêcher de le reproduire, lorsque son fils arrive à l'âge de se marier, elle va écarter le prétendant naturel de Huanhuan et de façon tout à fait préméditer réclamer ses dettes à sa famille, afin de la forcer à épouser son fils immariable car simple d'esprit et épileptique. Mais si ce comportement semble comme conditionné par la société, son regard vers la japonaise, vers sa réussite, va faire évoluer sa mentalité, jusqu'à voir en Huanhuan son propre vécu.
Le film en un plan
Madame Xiang prend une barque pour naviguer sur le lac parsemé d'une multitude d'îles en friche. Sur un fond musical joué au Suona (唢呐) le plan commence par un long travelling vers la gauche partant du bord de l'eau puis parcourant une végétation dorée, dansante sous l'effet du vent, enfin Madame Xiang entre dans le cadre à genoux puis s'effondre à la vitesse du travelling dans les roseaux comme exténuée. Très vite elle fond en larmes en bas à droite du cadre, le travelling vient de s'arrêter, alors qu'elle vient de se retourner et que le fond musical a progressivement laissé place à son cri de désespoir, le cadre se ressert sur son visage sous une pluie naissante. A cet instant tout lui réussi, mais intérieurement rien ne va, une somme de souffrances a ressurgi, et en outre elle sent bien qu'elle la propage à sa nouvelle belle fille qui vit en ce moment un enfer.
Le film en une séquence
Huanhuan est sur le toit de la maison en train d'étendre du linge. Madame Xiang, sa belle-mère la rejoint pour s'assoir sur un fagot de roseaux. Face à elle le soleil se couche sur le lac qui borde la maison au toit plat. Au loin on entend les pétards célébrant un nouveau mariage dans le village. Madame Xiang comme attristée par sa situation se tourne vers elle qui est en train de décrocher du linge et la remercie de ne pas avoir révélé son adultère à son mari. Derrière un drap jaune, on ne distingue maintenant que l'ombre de Huanhuan, elle lui répond qu'elle sait qu'elle aussi a énormément souffert. Madame Xiang fond en larmes devant elle, mais sa belle-fille fuit finalement la situation devenue gênante et la caméra commence à tourner autour de Madame Xiang, partant d'une vue de dos, avec toujours le coucher de soleil en face d'elle, elle, pensive restera là jusqu'à la nuit tombée. Malgré le fait que sa belle-mère soit celle qui l'est forcée à se marier à son fils, et qu'elle en subisse les terribles conséquences, Huanhuan témoigne d'une grande solidarité avec sa belle-mère, comme si son destin était quelque chose d'acceptable, et comme si tout cela aurait bien pu arriver d'une façon ou d'un autre.
Le film en un personnage
Madame Xiang jouée par l'actrice Siqin Gaowa (斯琴高娃) dont sa mère de la minorité mongole lui a donné ces traits si particuliers. Ce personnage par son parcours dans le film symbolise la solidarité entre les femmes chinoises, la compréhension et le courage, mais aussi en quelque sorte la réussite de par sa petite entreprise d'huile de sésame, comme si cette femme était déjà à l'avant-garde de la modernité chinoise.
Encore quelque chose…
Au début du film, il semble assez difficile de dater les évènements, comme si nous étions dans une Chine ancienne intemporelle, tout semble fait pour nous le faire penser, jusqu'à ce que la voiture luxueuse de cette femme d'affaires japonaise débarque en plein village entourée des enfants en ébullition. C'est tout à fait saisissant, le contraste entre cette étrangère et les habitants du village qui peut-être découvrent pour la première fois quelqu'un qui n'est pas du pays.
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