Zhao Chantong, 19 ans, défile en tenue militaire et drapeau à la main dans l'une des vieilles rues de Pingyao (平遥) pour revendiquer l'appartenance des îles Diaoyu (钓鱼台群岛) à la Chine et demander la libération d'un pêcheur chinois retenu par les gardes-côtes Japonais. Sous le regard intrigué des passants où quelques soutiens se font entendre, les groupies et la télé locale ne tardent pas à rejoindre le bal. Le plan suivant montre Chantong revenir de sa manifestation toujours habillé en militaire et muni de son drapeau sortir discrètement une canette de Coca-Cola. Le symbole semble tout à fait comprit par le jeune homme qui l'exprime clairement, ce produit étranger n'a pas sa place aujourd'hui, de plus il est relativement vexé un homme lui a demandé combien il était payé pour faire cela.
Dans l'ancienne maison du centre-ville de ses parents, le jeune homme explique son admiration pour Mao, et comment il se trouve très chanceux d'être né le même jour que l'ancien président, comment écouter des chansons de cette époque le rend si heureux. Il est très optimiste envers son futur et veut devenir photographe dans l'armée, et plus il chante et plus sa passion l'envahit. Tout cet élan patriotique semble ne pas être réveillé en vain, elle le motive à rentrer à l'université et réussir son rêve. Il cite Rousseau, Montesquieu, Voltaire pour réaffirmer ses principes et rendre hommage au mouvement du 4 mai 1919.
En 1917, la république de Chine est entrée en guerre contre l'Allemagne auprès des Alliés. En cas de victoire des alliés, la Chine escompte récupérer la souveraineté sur la partie du territoire du Shandong sous contrôle de l'Empire allemand. Hélas, en 1919, à la conférence de paix de Paris qui aboutit au traité de Versailles, les Alliés attribuent ces territoires à l'empire du Japon.
Le 4 mai 1919, 3 000 étudiants se réunissent pour manifester à Pékin, devant la porte Tian'anmen, et diffusent un manifeste qui proclame : « Le territoire de la Chine peut être conquis, mais il ne peut être donné ! Les chinois peuvent être tués, mais ils ne veulent pas être soumis ! Notre pays risque sa perte ! Citoyens, mobilisez-vous ! ». Au cours de la manifestation, un fonctionnaire projaponais est battu et la maison d'un autre brûlée. Outre le traité de Versailles, les nationalistes chinois dénoncent l'ensemble des prétentions du Japon, symbolisées par les Vingt et une demandes, qui visent à accroitre et à pérenniser la domination japonaise sur la Chine.
Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Mouvement du 4 Mai de Wikipédia en français (auteurs)
C'est enfin la saison des examens d'entrée à l'université et les rues de Pingyao semblent devoir tourner au ralenti pour laisser se concentrer les jeunes étudiants, la police veille. Chantong sans qu'on l'aperçoive est parmi eux, en train de plancher sur son examen, mais le jeune va échouer, de retour chez lui il confesse son échec, ses yeux sont mouillés, la déception et la honte envers sa famille perceptibles.
Le jeune homme semble extrêmement reconnaissant envers son pays qui comme il le dit, lui a tout donné. Le plan d'après, son père semble moins formel, lorsqu'il admet qu'il a dû emprunter pour pouvoir payer l'école de son fils. Et lorsque Chantong doit redoubler une année c'est son grand frère qui lui trouve un petit boulot et met un peu de son salaire de cuisiner pour financer ses études. Il voit également tous ses camarades avoir réussi l'examen, la pression commence à devenir forte dans la famille, l'année prochaine, il doit réussir son examen.
Finalement Chantong rentre à l'Université de Chengdu (成都), nouvelle province, nouveaux camarades, mais l'étudiant partage toujours ses nuits avec Mao qui trône au-dessus de son lit superposé. Toujours dans l'objectif d'entrer dans l'armée, il veut entrer à l'association de propagande étudiante et ainsi entrer au parti, voie indispensable à sa future entrée dans l'armée, il suit les cours de politique et d'histoire avec assiduité et participe aux activités de l'association, il y rencontre une fille sichuanaise, qui comme il le dit, a beaucoup de défauts, elle boit, elle fume et pire elle joue au Mahjong.
Chantong fête ses 21 ans, il aime sa vie à l'université, ses amis, mais décide de quitter l'association de propagande étudiante, certaines choses ne lui conviennent plus et remet maintenant en question sa carrière dans l'armée, il souhaite devenir plus indépendant, il trouve qu'il a changé. Il va bientôt partir pour les montagnes Daliang où il va pendant deux semaines devenir professeur volontaire. Les camarades qui l'accompagnent pour ce voyage sont très consciencieux et prennent leur mission très au sérieux, ils se concertent pour savoir ce qui est essentiel d'apprendre à ces enfants dans ce court laps de temps. Le voyage sonne comme un périple, le village est vraiment très reculé, au sein des minorités Yi (彝族) du Sichuan. Là-bas, les jeunes enfants qui les entourent sont très pauvres, pieds nus et en haillons. Les conditions d'hébergement sont sommaires mais les habitants des montagnes sont chaleureux et accueillants.
Premier jour de classe, les premiers élèves arrivent, la salle de classe n'est pas sans faire penser au film de Cheng Kaige « Le roi des enfants ». Les élèves sont entassés dans une petite salle sombre aux murs en terre. Une traductrice locale traduit du mandarin au dialecte Yi pour répartir la classe par niveau dans un espoir illusoire d'organiser le cours. Mais Chantong déroule son discours et est surmotivé à mener à bien sa mission, une place toute particulière est donnée à l'enseignement du mandarin, certains enfants ne le parlant pas. Leurs premiers mots en mandarin leur permettront de pouvoir apprendre l'hymne chinois que Chantong a décidé de leur apprendre, il a également acheté un drapeau qu'il souhaite hisser dans la cour de l'école. L'hymne chinois résonne dans les superbes paysages montagneux embrumés et Chantong se demande ce que le pays a bien pu apporté jusque là à ses enfants.
Pékin, le jeune homme assiste à la cérémonie de lever du drapeau sur la Place Tian'anmen, mais il ne se doute pas qu'une épreuve va s'abattre sur sa famille, les maisons de ses grands-parents et parents sont menacées de démolition. Il y voit une injustice car certains responsables locaux ont abusé de leur pouvoir pour toucher plus de compensations et ainsi avoir intérêt à ces démolitions. Son grand-père est âgé et souffrant, presque paralysé, mais son état ne va pas empêcher les démolitions de commencer. Chantong décide de filmer le travail de démolition à proximité de la maison de son grand-père, mais d'un coup le jeune homme craque, et fond en larmes. Pour lui l'injustice est trop forte, les responsables du villages les ont forcé à accepter les compensations sans pouvoir en négocier le montant.
On retrouve Chanton à Chengdu, le crâne rasé, son attitude semble avoir changé, sa volonté de rentrer dans l'armée a disparu…
« Un jeune patriote » est un documentaire sincère et touchant sur le parcours initiatique d'un jeune homme très optimiste, plein d'espoirs dans son pays, qui va à travers sa propre expérience et celle de ses proches réévaluer ses points de vue. L'engouement envers son pays en début du film est si éclatant que par la suite toute critique de sa part envers le système politique chinois prendra une ampleur d'autant plus forte. En tant que témoin le plus direct ou encore la première victime chacune de ses conclusions sonne comme un couperet. La force de ce documentaire est de ne jamais tomber dans le parti pris en imposant un discours, les faits se suffisent à eux-mêmes, comme si il ne faisant qu'accompagner son protagoniste en éprouvant une réelle empathie envers le jeune homme. A noter au montage, que la collaboration entre Du Haibin et Mary Stephen se poursuit (connue pour son travail avec le réalisateur Eric Rohmer, mais aussi sur le film « Blind mountain »).
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