Il était une fois Pékin

Il y a vingt ans Pékin était bien différente de la ville qu’elle est aujourd’hui. Sa population était presque deux fois moins importante. Il y avait très peu de voitures particulières, la plupart des gens circulaient encore à vélo. Les rues étaient remplies de marchands, et les échoppes foisonnaient. Il n’était pas rare non plus de croiser un attelage de mules en pleine rue. A cette époque les gens occupaient encore d’anciennes maisons à cours carrées, les fameuses Siheyuan, et vivaient dans les Hutongs.

Mais voilà tout cela a bien changé, depuis la ville est rentrée comme le pays tout entier dans une nouvelle ère économique, subit une migration gigantesque, les vieux quartiers on été largement détruits laissant la place à une ville en hauteur. Les embouteillages ont remplacé les vélos et l’air devient aujourd’hui vite irrespirable. Voilà en synthèse la métamorphose démentielle qu’a subit Pékin, et ceux sont ces changements qu’une jeune réalisatrice chinoise de 32 ans tenta de capter à partir de 1991.

Une trilogie capitale

En trois films réalisés entre 1991 et 2000, Ning Ying va dépeindre, à travers les personnages de ses films, les mutations de sa ville et de la société chinoise. En adoptant un sens aigu du détail, un casting pour la plupart non professionnel, la réalisatrice va chercher à nous montrer la réalité des pékinois à trois périodes différentes.

« Jouer pour le plaisir » (找乐, 1993)

Le vieux Han à la retraite
Le vieux Han à la retraite

La trilogie commence avec le destin du vieux Han, qui vient d’être mis à la retraite. Dans un Pékin en tout point méconnaissable, ce grand père se retrouve sans rien faire du jour au lendemain. Il va tenter de retrouver son ancien statut de concierge de l’Opéra de Pékin en créant un club d’amateurs d'opéra. Mais lui qui a toujours connus des règles très strictes dans son travail ne pourra s'empêcher de vouloir les imposer à ses camarades. (voir la fiche de « Jouer pour le plaisir » ).

« Ronde de flic à Pékin » (民警故事, 1995)

Scène au poste de police
Scène au poste de police

La trilogie continue deux ans plus tard alors que Pékin subit ses premiers changements, les migrants commencent à arriver en masse, la police se voit vite dépasser et les vieux quartiers commencent à être détruits. C’est en suivant une jeune recrue de la police que Ning Ying va nous faire découvrir les rouages de la bureaucratie de la police. Les changements de la ville vont avoir un impact direct sur le protagoniste qui va voir sa charge de travaille grossir et l’éloigner un peu plus de sa famille, le poussant même jusqu’à la faute. (voir la fiche de « Ronde de flic à Pékin » ).

Un taxi à Pékin (夏日暖洋洋, 2001)

Dezi et sa femme dans « Un taxi à Pékin »

La trilogie s’achève en suivant un jeune conducteur de taxi. Pékin est entrée dans une nouvelle ère, moderne, en hauteur, une ville qui ne dore plus. Le jeune Dezi parcours la ville au fil de ses courses, les embouteillages sont devenus monnaie courante et tout va très vite, gare à ceux qui n’arrivent pas à suivre, notamment les migrants qui représentent maintenant une grande partie de la population, avec les espoirs et les désillusions de chacun. L’argent est maintenant dans toutes les bouches, elle est un moteur qui fait avancer les clients de Dezi et pour son plus grand plaisir son taxi. (voir la fiche de « Un taxi à Pékin » ).

L’ensemble de “La trilogie de Pékin” fait preuve d’une cohérence incroyable en traitant de trois générations différentes, trois phases de changements subits par la ville et ses habitants, comme si ils étaient le reflet de la ville elle même. En ressort une trilogie a réelle valeur documentaire tant elle est riche d’informations, de détails et se révèle d’une grande justesse. En conclusion “La trilogie de Pékin” est une trilogie essentielle, abordant de nombreux sujets, la tradition, la modernité, la quête d’identité, la fuite en avant vers l’individualisme, la bureaucratie, etc. Tout ceci, sans oublier le spectateur avec un humour subtile, des scènes d’une grande intensité et une bande son soignée.

La réalisatrice Ning Ying (宁瀛)

La réalisatrice Ning Ying
La réalisatrice Ning Ying

Née en 1959 dans le Shanxi, elle rentre en 1978 à l’Academie de Cinéma de Pékin. Elle fait partie avec les futurs réalisateurs Chen Kaige et Zhang Yimou de la prestigieuse promotion 1982. La même année elle obtient une bourse pour étudier en Italie, où elle est admise au Centre Expérimental de Cinématographie à Rome. Là-bas elle rencontre le réalisateur Bernardo Bertolucci et travaille à ses cotés en tant qu’assistante réalisatrice sur le tournage du film « Le dernier empereur » en 1987.

Par la suite elle retourne en Chine pour y faire ses premiers pas dans la réalisation, avec son premier long métrage « Quelqu’un est tombé amoureux de moi » (有人偏偏 爱上我), un remake de « Certains l'aiment chaud de Billy Wilder », film commercial qu'elle réalisa à contre cœur mais qui lui permettra de travailler sur le premier film de la trilogie.

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