Le film en un plan
L’Hirondelle d’or se retrouve encerclée par les brigands dans le temple où ils se sont réfugiés. Le combat a commencé mais ceux-ci prennent rapidement le dessus, la forçant à se réfugier en hauteur, près des divinités du temple. Elle surplombe maintenant ses adversaires, le visage tendu, la situation devient délicate, car elle ne peut plus s'enfuir comme prise au piège sur son perchoir.
King Hu (胡金铨) réalise alors un plan en contre-plongée de Chen Pei-pei (郑佩佩) qui pourrait mettre en valeur l'héroïne, mais c'est plus l'invincibilité de L'Hirondelle d'or qui est remise en cause du fait de sa situation et de son sentiment d'impuissance. Pour la première fois sa faiblesse apparaît à l'écran. Le plan se finit sur son regard qui va soudainement s’éclairer lorsqu’une des fenêtres du temple va s’ouvrir et faire diversion, lui permettant alors de s'échapper.
Le film en une séquence
Comment ne pas retenir la scène de l’auberge ? Notre premier contact avec l’Hirondelle d’or, sa scène d’introduction. Elle vient d’arriver en ville à la recherche des ravisseurs de son frère et prend place à une table dans une auberge, mais celle-ci se retrouve encerclée par une partie des ravisseurs menée par Tigre Qui Sourit bien décidé à en venir aux mains.
King Hu prend son temps de bien installer cette scène où les protagonistes s’observent et s’évaluent, le temps semble se dilater. A cet instant les brigands ne savent pas encore qu’elle est une femme. King Hu aime jouer sur les apparences. Chaque mouvement est savamment chorégraphié. Son rythme et le fait qu’elle se déroule dans un espace clos renforcent l’intensité dramatique de la scène et chaque action en augmente sa tension. Difficile de ne pas songer à Sergio Leone en voyant cette scène.
Au fur et à mesure de la scène et des épreuves qui lui sont soumises la stature de l’Hirondelle d’or s’amplifie et ses opposants sont décontenancés, il devient de plus en plus évident que l’Hirondelle d’or est l'héroïne du film. King Hu créé donc la surprise. Pour rappel le titre chinois du film (大醉俠) pourrait être traduit par “Le chevalier ivre” et entraîne le public sur une fausse piste puisque ce personnage masculin évoqué dans le titre n’est pas le personnage principal.
Le film en une idée
A travers l’œil de King Hu, les scènes de combat se transforment en ballets, le rythme, les perspectives, le lieu unique, tout s'organise pour créer une chorégraphie complexe et extrêmement stylisée. Le contact physique ne reste qu’une part infime du combat, les mouvements des corps restant le plus important. Il est tout fait fascinant d’observer une scène en ne se focalisant que sur son arrière-plan et de voir que chaque figurant avait bien un mouvement précis à exécuter pour renforcer la perspective dans le cadre.
Mais au-delà du style, ce sont aussi des personnages travaillés et bien mis en valeur. Les différents protagonistes ont chacun leurs forces et leurs faiblesses. L’Hirondelle d’or est vue par le vagabond comme talentueuse au combat, mais trop impulsive, elle ne sait pas résister à son désir de vengeance. Le vagabond est un grand maître très humble mais a un sérieux cas de conscience, il ne veut pas affronter son infâme ancien camarade devenu moine corrompu, car celui-ci lui a autrefois sauvé la vie.
Le film en un personnage
Une héroïne qui botte les fesses de ses adversaires masculins, voilà l’image de la femme que King Hu décida de mettre au centre de son film. Chen Pei-pei y incarne une experte en arts martiaux qui n’hésite pas à user de ses talents et dont la détermination transpire de sa longue robe. La dureté de son visage mélangée à la grâce de ses mouvements, elle compose un personnage fort mais fragile, dont la force s’avérera aussi sa faiblesse.
Lorsque Chen Pei-pei tourne l’Hirondelle d’or, celle-ci n’avait que 20 ans et venait à peine de commencer sa carrière d’actrice aux fameux studios de la Shaw Brothers. Le réalisateur la choisit entre autres pour sa formation de danseuse. Alors qu’à l’époque les réalisateurs avaient plutôt l’habitude de faire tourner des acteurs maîtrisant les arts martiaux, King Hu fit un choix plutôt singulier, privilégier l’aspect plus fluide des mouvements de l’actrice.
Encore quelque chose…
Pour beaucoup « L’Hirondelle d’or » a marqué un nouveau cap pour les films d’arts martiaux chinois. Avec une nouvelle esthétique, de nouvelles techniques et évidemment beaucoup de talent King Hu a su transcender le genre du Wuxiapian (武侠片).
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