En 2013, Viviane Qu (文晏) réalisait « Trap street » (水印街) un film qui sous l'apparence d'une romance traitait d'un sujet complexe que sont les enlèvements de personnes par les autorités chinoises hors de tout cadre légal. Le film était subtil mais toutefois assez déroutant et il n'avait pas été distribué en Chine.
Quatre ans plus tard, la réalisatrice mais également productrice de plusieurs films du réalisateur Diao Yinan (刁亦男) comme « Black coal » (白日焰火) ou encore « Train de nuit » (夜车), revient à la réalisation avec un nouveau long-métrage.
« Les anges portent du blanc » (嘉年华) traite de la condition des femmes dans la société actuelle chinoise et semble parfaitement collé à l'actualité lors de sa sortie. Le film sort en novembre dernier en Chine en pleine déferlante du mouvement Me Too, mais surtout en plein scandale dans un jardin d'enfants à Pékin, où des soupçons de maltraitance et d'agressions sexuelles avaient déclenché la colère des parents. Suite à l'emballement médiatique et sur les réseaux sociaux suscité autour de cette affaire, les autorités avaient supprimé énormément de contenu en ligne.
L'histoire du film semble s'inspirer d'autres évènements s'étant passés sur l'ile de Hainan (海南) en 2013, où entre autres un directeur d'école primaire avait était accusé d'avoir eu des attouchements sexuels sur 6 fillettes dans un hôtel à multiples reprises. Cette affaire avait fait grand bruit en Chine, et de nombreuses autres affaires d'agressions sexuelles avaient ensuite été révélées lors de cette période.
Dans le film l'histoire se concentre sur deux fillettes emmenées dans une chambre d'hôtel par un homme d'affaire influent, sous les yeux d'une jeune travailleuse migrante à peine plus âgée travaillant illégalement en tant que réceptionniste. Le film montre comment à la suite des faits la société chinoise réagit au scandale et comment certaines personnes vont rechercher la vérité et à faire respecter la loi mais aussi comment d'autres vont chercher à couvrir l'affaire. Il montre également bien comment cette jeune travailleuse sans papier (sans hukou 户口, sorte de passeport intérieur chinois) est fragilisée par sa situation précaire. Sans papier, elle est à la merci de son employeur, mais aussi d'autres individus malveillants. Le personnage de cette jeune réceptionniste est alors central, tant il montre la difficulté pour cette jeune femme d'agir selon ses propres principes moraux avant de préserver ses conditions de subsistance.
Le film est vraiment intéressant dans le sens où il montre les réactions d'une société, face à un sujet encore tabou, impliquant souvent des personnes influentes, exerçant une domination sur des personnes fragiles en toute impunité. Même si le tableau semble parfois noircit à dessein pour renforcer le propos, le film a le mérite de mettre son public face à ces réalités et il est clairement encourageant de voir apparaitre de nouvelles réalisatrices telles que Viviane Qu dans le milieu du cinéma d'auteur chinois, d'autant plus lorsque celles-ci bénéficient d'une bonne distribution dans les salles chinoises, pour pouvoir porter ce type de sujet sur grand écran.
Le film a été récompensé de la Montgolfière d'argent au dernier Festival des 3 Continents à Nantes et de la meilleure réalisation aux derniers Golden Horse de Taipei.
Bon film à tous.
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