Vers un nouveau type de film d'auteur ?
Sorti le 21 mars dernier en Chine, « Black coal » (白日焰火) dont le titre chinois signifie “Feux d’artifice en plein jour” a tout du film noir. Le genre à l’air d'apaiser les censeurs si la violence n’est pas trop présente à l’écran, de satisfaire le marché puisqu’il attire les spectateurs chinois et permet aux réalisateurs de montrer une Chine plus réaliste en abordant des questions sociales. Cet état de fait n'annoncerait-il pas un nouveau type de film d’auteur dans le cinéma chinois, qui réussirait à plaire aussi bien aux spectateurs chinois qu’étrangers ? Le sens même de la traduction du titre du film en anglais est très révélateur. Le titre chinois évoque la rêverie, la féerie alors que sa version anglaise “Black coal, thin ice” évoque un contexte dur et sombre.
Réjouissons-nous qu’un film comme « Black coal » obtienne la reconnaissance internationale, le cinéma chinois a besoin de soutien, mais attention à trop de compromis envers le marché, sous peine de voir de nombreux réalisateurs poussés vers le film de genre. Malgré le fait que Diao Yinan (刁亦男) est déclaré avoir travaillé huit ans sur le scénario (blocage de la censure ? difficulté de coller au genre voulu pour le film ? ), l’intrigue du film n’est pas le point fort du film, très étonnant quand on connaît ses talents de scénariste.
« Black coal » c’est l’histoire d’un employé de mine assassiné, son corps dispersé aux quatre coins de la Mandchourie. D’un inspecteur qui doit rapidement abandonner l'enquête après avoir été blessé lors de l’interpellation des principaux suspects. De deux nouveaux meurtres commis cinq ans plus tard et de ce même inspecteur devenu agent de sécurité qui décide de reprendre du service en suspectant fortement l’épouse de la première victime, au charme si envoûtant.
Bande annonce
Un réalisateur talentueux
Diao Yinan a énormément de talent, sa réalisation est brillante. Des mains au milieu d'un jeu de cartes évoquent une dernière rencontre dans une chambre d'hôtel. Un simple tunnel couplé à un magnifique plan-séquence nous transporte dans le temps et rend hommage en musique à Orson Welles. Quelques ellipses judicieuses. Une filature dans un bus bondé à l’intensité étouffante. Une rencontre nocturne dans une roue surplombant la ville, et un final justifiant le titre chinois. Le réalisateur parsème son film de moments forts.
Depuis ses débuts le réalisateur excelle dans la description des gens ordinaires. Des personnages maladivement seuls, aspirant à une vie meilleure, ceux de « Black coal » ne dérogent pas à la règle. Pétrifiés par leur vie et par le froid glacial de la ville de Harbin, les visages rougissent autant que les lumières des ruelles. Un salon de coiffure, une arrière-boutique de laverie, une boîte de nuit, de ces lieux communs le réalisateur créé un univers feutré où la ville a autant à cacher que ses personnages où de simples patins à glace deviennent armes du crime et où une patinoire devient terrain de jeu entre une femme fatale et son poursuivant au bord de la chute.
S'il fallait encore vous convaincre du talent de Diao Yinan, et si un film noir aux caractéristiques chinoises attise votre curiosité, découvrez cette scène incroyable d'arrestation en début de film pour vous faire une idée.
Bon film à tous.
Extrait
Les deux films précédents de Diao Yinan ont été sélectionnés sur Chine et films, retrouvez-les sur la page du réalisateur et profitez-en pour découvrir son premier film en streaming.
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