Cet autre film c’est « Les démons à ma porte » (鬼子来了). Lorsque Jiang Wen (姜文) réalise ce film en 2000, c'est une bombe, il est profond, audacieux, drôle, beau, en somme un chef-d'œuvre et c’est pour ça qu’il est primé à Cannes. Le film « Cow » (斗牛) réalisé par Guan Hu (管虎) neuf ans après présente beaucoup de similarités avec le film de Jiang Wen. On est légitimement en droit alors de se demander s'il s’agit d’inspiration, d’influence ou simplement de rendre hommage au film. Il semblerait qu’il s’agisse un peu des trois et de toute évidence Jiang Wen avait ouvert une porte sur une nouvelle façon de montrer cette période de l'histoire chinoise.

Similarités

Mais tout d’abord quels sont les grands points communs de ces deux films :

• Le genre du film, la comédie noire;
• la période durant laquelle se déroule l’action, la seconde guerre sino-japonaise;
• le lieu, un village;
• le parti pris photographique, pour « Cow » il s’agit d’une photographie presque monochromatique avec quelques nuances, pour le film de Jiang Wen un très beau noir et blanc;
• l’histoire, dans « Les démons à ma porte » le personnage principal doit s’occuper sous la menace de deux prisonniers jusqu'au retour de leur kidnappeur, dans « Cow » Niu Er s'est engagé auprès de son village à s’occuper d'une vache étrangère jusqu'à l'arrivée des troupes chinoises.

Plus en détails, certains moments du film font écho à celui du film de Jiang Wen :

• Dans les deux films un tirage au sort à l'aide de graines de soja est organisé et désigne le personnage principal;
• dans « Les démons à ma porte » Ma Dasan va cacher les prisonniers en haut d’une montagne près de la grande muraille, dans « Cow » le personnage principal va se cacher également dans une montagne avec sa vache.

Singularités

Mais attention au delà de ces similarités les deux films ont une approche bien différente. Là où Jiang Wen cherchait à rendre comique par petites touches des situations tragiques, notamment grâce à des dialogues truculents, Guan Hu part d’une situation en soi comique dans un contexte tragique. La photographie du film de Jiang Wen est plus dramatique et plus réaliste, alors que les personnages principaux du film de Guan Hu sont une vache et l’idiot du village.

Le film de Jiang Wen s'attachait à dépeindre la nature humaine à travers cette période d’occupation, et à montrer les différents travers de ses personnages (peur, lâcheté, collaboration, patriotisme effréné, etc.). Dans « Cow » les personnages ne sont pas particulièrement peureux ils cherchent juste à survivre et Niu Er est réellement le héros du film puisqu'il va tenter de protéger sa vache au péril de sa vie.

« Cow » réussi plus laborieusement à montrer l’absurdité de la guerre à travers les yeux de son héros simplet, alors que le film de Jiang Wen se focalise plus sur l’être humain et ses faiblesses, accentué par un contexte d’occupation et naturellement arrive au même résultat avec plus de finesse et de virtuosité tout en préservant la gravité historique. Il montrait également les individus sur le même plan japonais comme chinois jusqu'à ce qu'ils deviennent très proches malgré le contexte, ce qui renforçait grandement son propos, chose à laquelle Guan Hu ne s'est pas risqué.

Vous l’aurez compris « Cow » est en soi un film moins profond et moins subtil que celui de Jiang Wen, mais son approche a aussi son charme. Les symboliques d'innocence et de pureté de la vache mises en opposition avec l'avidité et la brutalité des êtres humains ou encore la construction en flashback donnant du rythme au récit font partie des bonnes idées du film. Son discours n’en reste pas moins lisible même si son impact semble bien plus faible pour privilégier l'aspect comique.

En espérant que cette petite comparaison vous aura donné envie de voir ces deux films et de vous faire votre propre idée.

Bande annonce du film « Cow »