Cinquième long métrage du réalisateur Wang Chao, « Fantasia » (幻想曲) a été sélectionné l'année dernière à Cannes dans la section Un certain regard. Le réalisateur est maintenant un habitué des salles francaises puisque toutes ses réalisations ont été distribuées dans l'hexagone.
Le système de santé chinois, dure réalité
L'histoire de « Fantasia » est celle d'une famille recomposée dans la ville industrielle chinoise de Chongqing. D'un père soudainement atteint d'une leucémie et qui nécessite de plus en plus de soins. D'une mère qui tente courageusement de trouver des petits boulots pour pouvoir s'occuper de la santé de son mari. D'une grande sœur qui elle a décidé pour pouvoir aussi aider financièrement la famille de travailler secrètement comme serveuse dans une boîte de nuit mais qui tombe lentement dans la prostitution. Quant au petit frère Lin, dû à la maladie de son père il se retrouve stigmatisé et rejeté par ses camarades et fuit ainsi l’école en se réfugiant un monde fantasmatique.
Ne cherchez pas la féerie dans ce titre trompeur, les images de rêve du jeune frère ne sont que des plus banales au bord d'un fleuve bien gris, la seule lueur d'espoir de cette histoire viendra d'un acte de désespoir. En revanche la réalité est belle et bien sombre, et rien ni personne ne semble être en mesure d'y changer quoi que ce soit. La maladie du père se transforme petit à petit en fardeau pour toute la famille, et lorsque l'entreprise qui l'embauchait estime ne plus avoir à supporter les frais, le père n'exclut pas de mettre fin à ses jours. En somme « Fantasia » décrit la réalité d'un système de santé chinois encore incapable de protéger tous ses concitoyens et des innombrables conséquences que cela peut avoir au sein d’une famille.
Une fable moderne
Wang Chao apporte à ce drame beaucoup de subtilité, de sérénité et une touche de poésie malgré toutes les turpitudes que les protagonistes doivent affronter. La photographie du film est elle aussi remarquable et confère au film une atmosphère très ouatée, toujours en opposition avec la dureté des évènements. Échapper à la réalité semble ainsi aussi bien le but du jeune frère qui aime errer près du fleuve que celui du réalisateur qui par la photographie et la mise en scène la transforme en fable moderne.
Bande annonce
Le réalisateur
Né à Nankin le 21 janvier 1964, Wang Chao (王超) est issu d’une famille d’ouvriers, il travaille pendant plusieurs années dans une grande usine sidérurgique. Parallèlement, ce passionné de cinéma, de littérature et de philosophie écrit des poèmes et dévore les revues sur le 7e art. Licencié de son entreprise, il intègre en 1991 l’Ecole de Cinéma de Pékin et devient critique de cinéma. A la suite d’un article consacré au film « Terre jaune » (黄土地), Wang Chao se voit proposer par son réalisateur, Chen Kaige (陈凯歌), d’être son assistant. Il travaille alors auprès du grand metteur en scène chinois sur « Adieu ma concubine » (霸王別姬) et « L’Empereur et l’assassin » (荆柯刺秦王).
Egalement auteur de romans, Wang Chao réalise en 2001 son premier long-métrage, « L’Orphelin d’Anyang » (安阳的孤儿), tourné sans autorisation. Portrait sensible de la Chine des laissés-pour-compte, le film, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, est l’une des grandes révélations du Festival de Cannes. Wang Chao, qui se dit influencé par Bresson et Antonioni, réalise son deuxième opus en Mongolie-Intérieure: à travers le destin d’un mineur de fond rongé par la culpabilité, « Jour et nuit » (日日夜夜), primé en 2004 au Festival des Trois Continents, est une réflexion sur les évolutions socio-économiques de la Chine. « Voiture de luxe » (江城夏日) traite des mutations à l’œuvre dans la Chine contemporaine et a été lauréat du Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2006. Son quatrième film « Memory of love » (重来) explore la naissance de l’amour dans les confins de la mémoire.
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